La polaricose ou l’irrésistible appel du Grand Sud
Il y a presque un mois de cela alors que je conduisais, j’ai vu dans un champ en bordure de l’autoroute, un iceberg. Quelques semaines plus tard, un manchot traversait la rue en plein Grenoble. Je n’ai pas prêté plus attention à ces visions, mais voilà que depuis quelques jours, mon esprit s’égare de plus en plus souvent. Il y a deux jours, ce sont mes valises qui ont commencé à se remplir toutes seules de vêtements polaires… Pas de doute, pour la seconde fois, je suis victime de la polaricose. Une sale maladie que j’espérais éteinte à jamais, mais il n’en n’est rien. Et la médecine que fait-elle dans tout ça ? Pas encore de vaccin il paraît ! De toute façon vu que ça rend plus malade que ça ne guérit, je m’en passe et en plus ai-je vraiment envie d’être guéri ?
Voilà donc que ce satané virus refait surface. Le principal symptôme se traduit par une sorte d’appel qui en vient à vous faire aimer l’odeur « piquante » des colonies de Manchots, les roulis des 50èmes rugissants, les coups de bec dans les mollets, le vomi des pétrels, le mal de mer, les yeux éblouis par la réverbération du soleil sur la neige, les pieds et mains transis par le froid et j’en passe… Mais après tout, n’est-ce pas là la vraie nature ? Là où les cinq sens ne font qu’un, là où vous n’avez qu’à écouter, sentir, voir, savourer, partager. Là où chaque instant est une émotion, une surprise, un émerveillement perpétuel. Bref, là ou la dernière chose dont vous avez envie, c’est une piqûre dans le bras ou encore un petit cachet rose à avaler en guise de remède. Et quand bien même ça puisse exister, il paraît que le meilleur remède c’est de ne pas résister, de se laisser aller tout simplement… Alors je vais me laisser aller. Le 27 octobre le virus aura atteint le pic de son infection, et me voici en quarantaine en Terre de la Reine Maud, sur la calotte glacière à cinq heures de vol du Cap en Afrique du Sud. J’y serai pour un mois dans un camp. Co-responsable de ce dernier, j’aurai en charge également la visite de la colonie de Manchots empereurs, située à proximité de la base scientifique allemande Neumayer. Fin novembre retour au Cap, puis changement de continent et vol direct jusqu’à Ushuaia pour partir à destination des Iles Malouines, de la Géorgie du Sud, des Orcades du Sud, des Shetlands du Sud et bien évidemment de la Péninsule Antarctique. Début mars je quitterai l’Antarctique, passerai une dernière fois par la Géorgie du Sud, traverserai l’Océan Atlantique Sud, ferai une courte escale sur l’Ile Tristan da Cunha (paraît que c’est la plus éloignée du monde) et regagnerai de nouveau le Cap. Cinq mois plus tard, le virus aura enfin été vaincu, et je serai donc de retour en France le 23 mars, soit l’année prochaine. Disons plutôt dans quelques mois, pour ne pas rajouter plus de stress à ma chère maman. Il n’y a pas à dire, les médecines douces il n’y a que ça de vrai quand même !
A très bientôt sur ce blog pour des nouvelles disons « fraiches »…
qu’est-ce-que j’t’disais, chérie ! voilà que ça l’reprend. Nous, on sentait bien ces derniers temps qu’il perdait le Nord et « phoqualisait » complètement sur le Sud ! Tu y crois, toi, à son histoire de « manchot qui traverse la rue en plein Grenoble » ? Faut que je te le dise, et ça m’inquiète : tu le répéteras pas, mais je crois bien que, moi aussi, je commence à voir des manchots sur les passages cloutés…je sais, ça jette un froid dans la famille.
comme on dit chez les blanchons là-bas : « phoque jeunesse se passe ».
Bon vent l’petit !
Bonjour Samuel,
Nous sommes très contents d’avoir de tes nouvelles. Nous avons commencé à faire un livre documentaire sur la base Dumont d’Urville grâce à ta visite dans notre classe.
Nous te souhaitons un bon voyage (en espérant que tu ne sois pas malade sur le bateau !!). Est-ce que tu as vérifié si tes tongs, tes brassards et ton maillot de bain… n’étaient pas rentrés par erreur dans ta valise ! C’est vrai que ça va être l’été pour toi mais on sait qu’il ne va pas faire chaud !!!
Après les vacances, nous allons regarder tous les matins si tu as pu nous donner de tes nouvelles.
A très bientôt ! Fais un gros bisou de notre part aux manchots et gardes-en un pour toi !
Les CP-CE1 du Cheylas
Bonjour les enfants !
Content de lire votre message à quelques jours du départ ! Je penserai bien à vous et ferai de mon mieux pour répondre à vos questions. Je viendrai vous revoir dans votre classe comme promis à mon retour !
Et ben! tu parles d’un périple, ça y est c’est reparti pour 5 mois!
La polaricose, quel beau virus…!
Observé au microscope, il a la forme du Continent Antarctique!!!
Alors n’essaie pas de te soigner, ça le ferait fondre, garde-le bien en toi
car il a besoin, lui aussi, d’aller se ressourcer là-bas chaque année.
Bon vent Sam
*Soupire* Y’en a qui ont de la chance… profite !
Kicou Sam bon je pence que tu va pa trop male (en tou qua taleur aprè tes cources sa avais l’aire d’alé)je te l’aisse un ti message pour te souéter un bon voyage (et un bon rétablisemen en cinq mois sa fais un sacée bout de temp violent comme maladie la « polaricose »éclate toi bien bay bay
Phoque j’te dise : ce matin à l’école maternelle des manchons,(ça fait mieux que l’école des bébés phoques), la maîtresse nous a fait faire un dessin. Nous avons tous dessiné notre animal préféré. Le mien avait une casquette à visière grise sur la tête, des lunettes de soleil posés dessus, un ciré rouge et jaune, un beau sourire et des bottes de sept lieues. La maîtresse t’a trouvé très joli et elle a mis mon dessin sur le mur. Je lui ai dit, à elle et à mes copains blanchons, que tu venais faire un tour chez nous pour les vacances de Toussaint. Alors on t’attend tous sur la banquise, juste à l’entrée de la crevasse bleue, derrière le berg cathédrale. Ma mère se rappelle bien de toi : le p’tit hors nid tôt qui lui a fait du charme pour sourire sur la photo. Mais le coup de l’oiseau, c’est pas vrai ! c’est la maîtresse qui l’a dit. J’m’demande si elle est pas jalouse !
j’viens de me faire gronder par la maîtresse !
j’ai écrit manchon au lieu de blanchon. Du coup elle m’a traité de manchot…
j’ai fait une faute d’accord d’hortografe à la 3°ligne elle a dit.
cette fois, j’suis sûr, elle est bien jalouse ! Elle a enlevé mon dessin du mur. M’en fous ! je le donnerai à ma mère.
Y’a des jours comme ça où ça vous prend.
Y’a des jours comme ça où vous regardez trop souvent ses clichés de là-bas, où votre pensée divague un peu trop. Trop ? bé oui c’est le mot.
Y’a des jours où vous vous dites que dans quelques temps vous aussi vous aurez des manchots, des icebergs, l’Océan, les vagues, les albatros, plein les yeux. Et tout ça même sans partir.
Y’a des jours où dans les rues vous réalisez soudain où c’est l’Antarctique et ça fait un petit quelque chose au cœur. Joie, nostalgie, sérénité, enivrement, je ne sais pas. Mais c’est certainement un beau sentiment : vous en oubliez que le feu est vert et que vous pouvez traverser le passage piéton. Et au moment où vous traversez, vous esquissez un sourire en vous disant « ah oui ! Mais là-bas, les manchots, ils n’ont pas besoin de feux verts pour avancer et vivre ! ». Les passants doivent vous regarder d’une étrange manière. Tant pis pour eux, vous êtes aussi déjà partis, vous.
Difficile tout de même de se représenter une forme, des paysages, d’autres êtres vivants.
Y’a des jours où d’un coup vous vous dites : « eh mais mince, c’est dans 2 jours ! ».
Y’a des jours où je me demande s’il ne nous a pas refilé ce virus le frangin.
Y’a des jours comme ça… Mais je souhaite en vivre encore plein moi !
Je TE souhaite d’en vivre encore plein : avec ce virus ultra contagieux qui se diffuse, il n’y a pas de quoi s’en faire.
Je ne crois pas que l’on puisse réaliser, ou alors peut-être quand on rentre. Je me demande souvent si on a la même notion du temps, de l’espace, des couleurs. Apparemment c’est différent.
Au risque de me répéter encore et encore, bon vent frade, et puis… profites, continues à faire partager ces instants, ces aventures, ces découvertes, pour que l’on puisse chaque jour prendre conscience à quel point ELLE est fragile, ILS sont fragiles, NOUS sommes fragiles…
A esprit libre, univers libre !
Bon voyage
Tù surella.
P.S : Ah par contre n’oublies pas là-bas que tu auras quelques décennies à fêter. Sur Tristan da Cunha… ?
Et rassure-toi… on ne guérit jamais d’un tel virus.
Voilà que quand ma sœur ose, elle nous sort une bien jolie prose.
Quelques mots qui tout comme la polaricose, vous laissent sous hypnose.
Je pars donc sur des mers pas toujours roses, qui je l’espère, me laisseront peu d’ecchymoses.
Là-bas, les élements sont en symbiose, de quoi entraîner sur votre esprit une véritable métamorphose.
De ce virus je tiens une bonne dose, alors après mes 30 bougies et un gateau plein de glucose,
je reviendrai sans névroses, avec je l’espère à vous faire partager, de bien jolies choses…
Mais avant de partir j’ai bien peur que ma valise… n’explose !
Eh ben voilà ! il vient de partir ce matin. Le bruit glisse déjà sur la banquise, qu’il arrive…
L’année prochaine, pratiquement le jour du printemps : l’oiseau reviendra sur son nid.
Nous sommes en train de regarder avec les collègues du cnrs de Clermont-Ferrand votre site internet…On essai de s’imaginer, comment doit se dérouler la vie sur la base…On vous souhaite bien du courage…Mais bon apparemment cela semble plutot vous plaire, malgré toutes les difficultés qui doivent exister. On se demande quels sont les moyens techniques (mécanique) dont vous disposez sur place pour effectuer la maintenance de tous les appareils scientifiques?
Bonne route…
Dur, dur de laisser un petit message après d’aussi beaux textes!!!! On voit que cette belle maladie a tendance à adoucir les moeurs et laisser les esprits s’envoler… Que j’aimerais choper ce satané virus et devoir partir le soigné dans ce beau coin du monde!!!!
Merci pour ce voyage à venir et chapeau à ta famille!
Bonne route…